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A mon humble avis
30 juillet 2006

Sandor Marai

     "Les confessions d'un bourgeois", de Sandor Marai, intitulé par l'éditeur "roman"- mais ce sont plutôt des mémoires- a été écrit en 1934, publié aux éditions Albin Michel en 1993, traduit du hongrois par Georges Kassai et Zéno Bianu, et réédité en 2005, collection "Les grandes traductions", 461 pages et 23,50 €.

     Pour continuer sur les écrivains hongrois, après cinq mois d'interruption - j'ai ouvert entre temps un autre blog : "vient de paraître", où je rends compte uniquement des livres de l'année - j'ai lu "Les confessions d'un bourgeois" de Sandor Marai.

     Le tome I, consacré par l'auteur à son enfance et à son adolescence, est une merveille, comparable à ce qu'il y a de plus beau en matière d'autobiographie, selon moi : "Les Confessions" de Rousseau, "Le monde d'hier", de Stephan Zweig,  et "La vie d'Arséniev", d'Ivan Bounine.

     Dans une petite ville de Hongrie, au sein d'une famille de banquiers d'origine allemande, nous découvrons  la manière de vivre de la bourgeoisie, d'après les souvenirs impitoyables d'un enfant.Tel Rousseau, annonçant sans le savoir la Révolution, Sandor Marai nous donne des indices pour comprendre des événements arrivés après son livre. Ainsi, son rappel de l'attitude des bourgeois en question envers les Juifs est significatif : la famille Bonjour, juifs pauvres et pratiquants, est traitée avec compassion et condescendance, "comme des sauvages acclimatés", au contraire,  la famille Weinreb, juifs assimilés et cultivés, est jalousée et détestée : "ils représentaient à nos yeux une menace dont nous eussions été bien incapables de définir l'objet". L'auteur se rappelle, enfant, avoir enfermé le fils Weinreb dans la chaufferie de l'immeuble, et avoir gardé le silence tandis que la police, tout l'immeuble et Mme Weinreb, cherchaient l'enfant à grands cris. Le lendemain matin, découverte par le chauffagiste, la victime ne dénonce pas son persécuteur, comme si elle avait trouvé une raison à cette brimade.

     Cette première partie comporte toutes sortes d'anecdotes savoureuses et de formules à méditer, et dresse un tableau à la fois ironique et tendre de la vie de famille, où chacun retrouvera des souvenirs personnels.

     Le tome II est consacré aux errances de l'auteur à travers l'Europe, à Berlin, Paris, Florence et Londres, villes où il exerce le métier de journaliste et d'écrivain. La description des Français est instructive : "à Paris, au cours des premières semaines de mon séjour, je compris que je pourrais mourir sous les yeux des Français sans qu'ils me tendent un verre d'eau, sans même qu'ils réagissent par un haussement d'épaule". Les Français haussent les épaules, n'aiment pas les étrangers, sont obsédés par la sécurité, idolâtrent l'argent et mangent quantité de salade verte. C'est toujours vrai.

     A partir de ces détails et de réflexions plus profondes, Sandor Marai décrit ses années de formation et son apprentissage du métier d'écrivain ; les plus belles pages sont à la fin : " Au moment où mon père ferma les yeux pour toujours, je compris que la mort n'était ni un bien ni un mal, mais une chose neutre, dépourvue de tout caractère".

    En somme, j'ai passé quelques heures dans l'intimité d'un écrivain et je ne le regrette pas. Voici la conclusion du livre : "Quant à moi, tant qu'on me laissera écrire, je m'efforcerai de montrer qu'il fut une époque où l'on croyait à la victoire de la morale sur les instincts, en la force de l'esprit et en sa capacité à maîtriser les pulsions meurtrières de la horde..." C'était en Hongrie, en 1934.

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